Pourquoi beaucoup feront l'impasse sur les primaires du PS


Tous les éditorialistes parisiens vous l'ont répété en boucle,  il va falloir aller voter dimanche aux primaires PS, car elles sont déjà un « succès », alors qu'il n'y a d'autre verdict pour l'instant que la curiosité du consommateur médiatique français, alors que plusieurs problèmes demeurent associés à leur choix et leur format.

Avec l'Internet, c'est à dire à la suite de l'irruption du réseau dans notre quotidien, nous notons un certain glissement de l'attente du public : de l'exercice de la démocratie d'opinion vers des essais en politique participative. 
La participation est l'innovation de notre époque : pratiquement tous les outils de médiation des hautes technologies qui nous sont proposés sont le fruit à un moment ou un autre d'un travail collaboratif librement consenti, ou proposent dans leur fonctionnement les figures de l'association ou de la réflexion en commun.

Un premier essai participatif avait été entamé par Ségolène Royal lors de débats circulaires et sur le Web de 2006, mais il s'éteignit de manière mystérieuse ; sans la conclusion logique d'un rapport ou d'une somme qui aurait du apparaître début 2007, mais qui ne vit le jour et ne fut jamais employé par la suite.

Le parti socialiste n'a pas souhaité pour ces élections 2012 renouveler cette expérience qui était de questionner sa base militante élargie, et a préféré s'orienter vers une primaire de confirmation ; un processus qui échappa brutalement et tragiquement à Dominique Strauss-Kahn pour être soigneusement recueilli entre les mains de François Hollande - récupérant la majeure partie des soutiens du premier.

Quel est le problème de procéder à des élections supplémentaires en sus des élections ?
D'abord, c'est plus de la même chose, ce n'est pas parce que les institutions actuelles ne correspondent plus aux attentes nouvelles de populations globalement mieux éduquées et connectées, qu'il faut  redoubler la forme institutionnelle déjà existante en s'exclamant à l'innovation.

Je comprends qu'il ne soit pas indifférent de soutenir en cette période de crise le modèle économique des médias d'information, de rajouter une nouvelle couche dramaturgique au dispositif des élections présidentielles. Les salles de rédaction et les annonceurs sont ravis. 
Mais quel sens pour l'électeur ? Rien de neuf ne lui a été proposé, les règles sont les mêmes et sa participation ne s'en trouve pas accrue au-delà d'un tour de chauffe antérieur aux élections réelles, un scénario désormais immuable : cadrage des débats par les acteurs politiques et journalistes, batterie de sondages régulière, dégagement d'un favori, et le jour dit, confirmation ou non du favori.

D'un point de vue progressiste, nous avons la curieuse impression d'une fin de non recevoir aux questionnements produits par de multiples insurrections pacifiques et expérimentales qui secouent différents régimes de la planète depuis quelques années : des Town Halls turbulents aux récents mouvement « Occupy Wall Street » des Etats-Unis en passant par les journées studieuses de la Puerta del sol ou les nuits ferventes de la place Tahrir. 
Non que la figure de l'insurgé, de l'indigné ou du résistant puisse coller réellement comme mode d'expression à ce que recherchent les peuples ; faute d'institutions nouvelles le public prend les outils à disposition et bricole le présent. Par exemple, nos rapports depuis vingt ans avec le monde arabo-musulman furent remodelés par la reconstruction quasi-obligée puis instrumentalisée du débat citoyen dans l'espace de la mosquée. Les acteurs n'ayant d'autre choix.
Avoir donc, dans l'organisation des primaires socialistes, ignoré ces signes pour présenter avec ces primaires une copie de l'uniforme institutionnel de la République, "costume et cravate", montre bien la réponse falote d'un parti consacrant le modèle du notable de province.

Rappelons, à l'inverse de ce que pouvait avancer Nathalie Kosciusko-Morizet, que le fait de substituer le vote électronique au bureau de vote ne représentait aucune innovation dans le cadre de ces primaires, tout au plus une façon plus cosmétique de s'adresser à l'électeur potentiel. 
Je n'aurais pas non plus la cruauté de rappeler la façon un peu rigide, beaucoup trop formelle, d'avoir invité le citoyen face au Préfet pour débattre "sans contrainte" de l'identité nationale, de ce qu'elle était et comment elle se projetait dans l'avenir. L'élu part souvent à la faute lorsqu'il oublie  la nature des corsets institutionnels qu'il quitte au moment de son entrée dans le monde politique.

Nous pouvons donc, en toute légitimité, nous interroger sur le fait que si nos institutions politiques ne sont pas au rendez-vous de notre époque, le public, l'opinion ou l'âme du peuple ne le seront pas plus dimanche, 9 octobre 2011, dans les urnes.

Commentaires

  1. SONDAGE : Pourquoi boycotterez-vous la primaire socialiste ?
    http://andecave.blogs.nouvelobs.com/archive/2011/10/07/sondage-pour-quelle-raison-boycotterez-vous-la-primaire-soci.html

    RépondreSupprimer
  2. J'aurai tellement préfèré des primaires à droite pour éliminer le petit godilleur avant même le premier tour...

    RépondreSupprimer
  3. 2,5 millions de participants. Un vrai four ...

    RépondreSupprimer
  4. Oui, en comparaison de la primaire italienne de 2005 qui vit 4,5 millions de votants nous sommes à mi-chemin du potentiel.

    Autre calcul, sur Twitter, le politologue Dominique Reynié a fait une estimation de la potentialité réelle à partir du nombre de bureaux de votes ouverts, pour le PS elle était de 4,4 millions de votants moins une abstention "normale" de scrutin présidentiel, ce qui faisait un chiffre de 3,7 millions de votants qui aurait du être l'objectif à atteindre.

    La preuve étant que 5 millions de bulletins ont été imprimés par candidat. Et les 3 débats télévisés qui tournaient à 4,5 millions d'audience en moyenne montrait bien cet ordre de grandeur.

    Donc une mobilisation normale pour une primaire ouverte PS, avec une concentration des médias de 6 semaines (campagne courte mais intense), aurait du tourner autour de 3,5 millions + de votants, avec en cas de dépassement jusqu'au 4,5 millions de la primaire italienne, alors le franc succès et la dynamique souhaitée au bout.

    Nous ne sommes franchement pas dans ce cas.

    Les média ont célébrés évidemment cette phase comme un "succès", c'est normal, étant donné la crise qu'ils connaissent notamment auprès des annonceurs publicitaires, tout ce qui est primaire ou happening politique (même survendu) leur permet de gonfler les audiences et les tirages... C'est très bien poureux, maisqu'on ne me demande pas de rentrer dans les mensonges ordinaires de la démocratie d'opinion.

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire