Lecture sur le populisme : pourquoi en dernier lieu La Vie se trompe

Un livre dont on parle assez peu, mais qui éclaire inlassablement par un discours clair et neutre, étoffé de faits européens. Un livre qui parle de la réalité politique du populisme en Europe. Un populisme nouveau, un populisme patrimonial. Ce n'est pas qu'un ouvrage de référence, mais c'est à peu près ce que l'on pouvait produire de plus simple et intelligent sur un sujet délicat qui tourne vite à la catastrophe. 

Dominique Reynié a fait preuve d'un travail exemplaire dans "Populismes: la  pente fatale". Avec une pointe de sel : il sait faire saillir les conservatismes là où on ne les attend pas et indique une voie subtile qui permet de distinguer les notions de diversité et de multiculturalisme. La première  étant d'inspiration libérale, la seconde ayant souvent sérieusement compliqué le débat tout en grignotant sur les valeurs de liberté au sein de la société.

Dans l'en-tête de son article "le FN est né hors de l'Eglise et y reste plus que jamais", le magazine La Vie s'adresse à un parti originellement païen qui aurait séduit les catholiques. Le détournement des valeurs de ces  derniers ne pouvait que s'opérer sur le moyen et long terme, or La Vie oublie de regarder le phénomène du populisme hors de France. Une description locale contredit sérieusement les enseignements globaux fournis par nos voisins en matière d'innovation populistique.

Témoin ce passage du livre de Dominique Reynié, dans le chapître sur le conflit des identités :
"La présence des conflits religieux dans la mémoire collective européenne est plus vivante que l'on ne peut l'imaginer dans une première approche superficielle. Ces conflits sont toujours redoutés parce que le souvenir de leur difficile régulation demeure, ce dont  les Irlandais font toujours l'expérience aujourd'hui. En raison de cette crainte profonde, active, le thème de la laïcité est en mesure de jouer à nouveau un rôle important. Les Européens inquiets devant ce qu'ils perçoivent et percevront comme une poussée de l'Islam n'auront pas le sentiment qu'ils peuvent riposter en reprenant le chemin de l'Eglise qu'ils ont largement abandonnée. C'est très lucidement qu'ils n'y croient plus. En revanche, ils peuvent voir dans la laïcité le moyen de contenir la poussée de la religion, c'est à dire, en fait, de l'islam. C'est la raison pour laquelle l'extrême droite chrétienne d'hier cède peu à peu la place à des partis populistes laïcisés, parfois à la hâte, pour profiter de l'aubaine. La conversion, si l'on peut dire, du Front national à la laïcité, dont il s'affirme le principal défenseur et garant, est parfaitement emblématique d'un tel mouvement."
Et c'est là le cœur de ce qui se passe en France, comme en Europe : il y a un pragmatisme actuel du populisme qui emprunte les valeurs de la laïcité et les utilise en les radicalisant.
Il n'y a donc pas comme l'expose La Vie une "fatalité historique" de l'extrême-droite en France mais bien un calcul de terrain de la part de politiques dans le jeu actuel des idées comme dans le reste de l'Europe. Et l'on peut oublier du même coup les éternelles tentatives de rendre infernal, historiquement, le couple droite et catholicisme. Ce qui ne se vérifie pas exactement, aujourd'hui comme hier.

J'ajouterais, par expérience, que ce phénomène n'est d'ailleurs pas seulement issu de populations aux références chrétiennes, beaucoup de mes amis laïques convaincus dans les administrations, depuis moins de dix ans sont rentrés dans cette défense radicale, ceci avec d'autant plus de facilité qu'ils sont pour un conservatisme républicain, et que leur défense de la loi commune exclusivement instruite par les soins de l'Etat ne leur ont jamais fait porter très haut le discours libéral.

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