L'histoire et la culture britannique au cœur du test de citoyenneté
David Cameron, PM britannique |
Comme dans tout discours structuré
l'objectif est résumé dans la conclusion. Il s'agit d'attirer « les
bonnes personnes » pour l'économie du pays, « qui
viennent pour des raisons sérieuses et souhaitent joindre le
reste de la société dans l'effort de rendre [notre] pays plus fort,
plus riche et plus sûr. »
David Cameron en guise d'introduction
se repose sur l'attractivité de la Grande-Bretagne, par exemple pour
le franc succès de certaines filières d'études supérieures. La transformation de
cet attrait devra se produire par effet de capacité et de choix dans
la sélection aux abords de ses frontières et donc de s'appuyer sur
une immigration d'élite : intellectuelle, certes, mais aussi
d'investissement et entrepreneuriale.
Un tournant est donc assumé en ce qui
concerne l'immigration pauvre ou illégale. L'étreinte sur cette
dernière est renforcée par deux mesures, la première est
l'encouragement à la dénonciation citoyenne aux autorités de
l'immigration et des frontières, la seconde dans une politique
impitoyable de reconduite des immigrés illégaux dans leur pays
d'origine.
L'immigration pauvre, elle, sera
freinée par la demande de justification d'un revenu annuel qui sera
probablement fixé bien au-dessus de 20.000 £ (23.000 EUR) par an -
ce qui correspond pour l'Angleterre à un revenu moyen supérieur.
L'argument avancé est le suivant : si les organisations servant
de sponsors à ces immigrants ne sont pas capables d'assurer un
revenu suffisant, un risque existe que les personnes se retrouvent
dans la position d'avoir à dépendre du système d'aide sociale. Une
autre idée est lancée concernant le dépôt d'une caution auprès
de l’État anglais, permettant de garantir le sérieux de
l'immigrant sur ce point.
Les abus concernant les mariages blancs
ou forcés, qualifiés de « comédie », seront
pourchassés dans plusieurs directions, premièrement, libérer les
officiers d’État civil de l'obligation de célébration d'un
mariage lorsqu'ils ont la conviction qu'il sert de prétexte ;
deuxièmement, il sera illégal de violer les ordres de cour
prévenant un mariage forcé, et troisièmement une réflexion est
lancée sur la criminalisation des mariages forcés, eux-mêmes. Ceci
vient non seulement par l'emploi avéré du mariage comme technique
de naturalisation mais aussi par le fait que la multiplication de cette technique est devenu un facteur de renforcement des ghettos dans la société anglaise.
David Cameron réalise un spin autour
de la notion de bons sens, et aussi d'une certaine forme
d'utilitarisme propre à l'esprit anglais : il présente une
logique de l'offre et de la demande. Si un pays pour son dynamisme
économique et qui sert de visa d'entrée au monde anglo-saxon
connaît une demande forte, il n'apparaît pas sot en première
réflexion d'élever les critères de son offre.
Ce n'est donc pas à proprement parler
du protectionnisme mais un pas de plus dans la concurrence des
talents internationaux.
Cependant, un autre élément que l'on
peut qualifier de politique patrimoniale, vient colorer l'offre. Le
contenu des tests de citoyenneté à l'entrée sur le territoire
reposait jusqu'alors sur la connaissance des institutions européennes
et des droits administratifs et sociaux du Royaume-Uni. David Cameron
entend repositionner ces tests sur un contenu patrimonial, c'est à
dire l'histoire et la culture britannique ; entendez par là
principalement : la Conquête romaine, la Reine Boudicca, la
Conquête Normande, la Magna Carta et le Roi Jean-sans-terre, la
Guerre des Roses, Elizabeth Ier, La Guerre civile anglaise, la
Bataille d'Angleterre et Churchill.
Il est assez étonnant de voir qu'une
société qui a mis en valeur jusqu'ici sa politique communautaire
donne l'impression d'une volonté d'intégration de l'étranger en
mettant l'accent sur des repères nationaux culturels, sur un ciment
en quelque sorte qui ressemblerait presque à notre bonne vieille
République Française.
Faisons un peu de mauvais esprit, ce
serait aussi étonnant si la République Française, de son côté,
s'appliquait à soustraire des programmes d'histoire des figures
aussi éminentes que Saint-Louis ou Louis XIV. Elle n'en est pas
encore rendu là... si ?
Pour finir, disons que tout ce bel
arrangement doit encore être confronté à la réalité de
l'exécutif. A l'instar de Nicolas Sarkozy lors de quelques unes ses
grandes réformes, David Cameron a déjà reculé, et sur un point
qui l'a contraint à réécrire son discours. Le Premier ministre
anglais souhaitait que les entreprises britanniques publient en toute
transparence le nombre et le salaire moyen des travailleurs d'origine
immigrée présents dans leurs rangs. Rappelons qu'il n'y a là rien
de choquant, à priori, dans une société qui n'a pas peur des statistiques
ethniques.
L'industrie refusa de rentrer dans cet effort de transparence, au motif de la trop lourde charge
administrative supplémentaire qu'il représentait. Il y a donc une véritable opposition entre les tenants d'une économie anglaise dynamisée par une main d'oeuvre immigrée à faible coût et le discours de David Cameron qui tente, selon lui, de prévenir les tensions communautaires et d'alléger les pressions sociales qui s'accumulent sous l'effet d'une immigration non-maîtrisée.
Curieux :
après les efforts demandés par la société civile au gouvernement
anglais en faveur de l'Open Data et de l'Open Governement, une
institution de la société civile – les entreprises - se refuse à
une transparence équivalente sur ses modes de fonctionnement. Ce
qui me fait accroire que tout, non tout n'est pas bon à montrer,
même pour les tenants de la transparence...
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