La Grèce, plutôt entre les mains des politiques que celles des idéologues

La catastrophe à venir, voire un Grexit ne sont plus à l'ordre du jour. Je n'aurais qu'à citer la décision de Barack Obama, l'opinion de la future candidate Démocrate Hilary Clinton, l'étonnant chapelet d'articles d'économistes ou d'observateurs réprobateurs de la situation européenne de l'autre côté de l'Atlantique que déjà ce bout de chronique finirait là.


Christine Lagarde
Directeur général du Fond Monétaire International

Cela mérite pourtant une explication plus détaillée, la voici :

Lorsqu'un commerçant arrive sur un marché le matin, son camion peut ne pas trouver de place suffisante pour être garé convenablement afin de déballer la marchandise.
Cela a été plus d'une fois le cas pour l'un de mes amis, qui faisait tranquillement fortune en vendant des sacs de fabrication chinoise sur les marchés de l'Ouest parisien.
Très tôt le matin, avant de déballer, un autre vendeur vint vers lui et fit la remarque que son camion n'était pas à la bonne place, qu'il empiétait sur une ligne imaginaire sur laquelle tous les commerçants s'étaient mis d'accord à l'origine.
Au lieu de discuter sur cette prétendue ligne, mon ami se mit de suite au volant de son camion, recula d'un mètre puis avança de nouveau d'un mètre. Rien n'avait changé et l'autre le remercia.

Il fallait un peu connaitre cet autre homme qui avait gardé certains traits spécifiques culturels à l'environnement méditerranéen de son enfance, lorsqu'il faisait une remontrance qui semblait s'appuyer sur un principe qu'il jugeait incontournable, ce n'est pas qu'il souhaitait l'application de ce principe dans la réalité, c'est qu'il voulait juste être entendu.
De vrai, il n'en avait rien à faire de la façon dont était garé le camion et la meilleure réaction était de faire sentir par un geste, même inutile, de l'attachement que l'on portait à sa personne.

Que penser donc du référendum grec ? Le tort est de croire que l'affaire est économie pure, pire encore, qu'elle pourrait être réduite à une question de planification scrupuleuse symbolisant la fameuse ligne imaginaire tracée plus haut que chaque partie souhaite voir respectée pour restaurer la confiance.
Car les grecs ont aimé leur référendum :
  • Ils ont gagné le droit à être entendu. 
  • Ils se sont joués une scène d'histoire théâtrale célébrant au passage l'héritage de l'invention démocratique.
  • Ils ont poussé le script jusqu'au sacrifice rituel iphigénien du Ministre des finances.
  • Et, ce n'est pas anodin, par cette poussée d'émotion populaire et nationale, ils se sont fait du bien.
Oublions la fonction cathartique de cette fin de crise, que faire à présent ?
  1. Vous ne pouvez débarquer la Grèce hors de l'Union Européenne, non par impossibilité juridique mais parce que Tsipras a su rendre crédible un rapprochement avec la Russie en signant récemment un contrat gazier. Les autorités américaines ne peuvent accepter un désastre géopolitique pour elles en Méditerranée en perdant un allié précieux qui se retournerait.
  2. Vous ne pouvez pas plus mettre la Grèce hors de l'Euro et la conserver dans l'Union, car vous acteriez le fait que l'Euro n'est pas la destination monétaire naturelle d'un pays faisant partie de l'Union. Certains vont prêcher la réintégration de la Grèce, une fois rétablie, mais quel gouvernement Grec va revenir dans l'Euro si justement la situation économique après des efforts consentis y est supérieure, lorsqu'on est à l'extérieur ? 

Cette enveloppe ne devrait d'ailleurs pas être défavorable aux allemands sur le moyen terme, car si elle est aussi belle qu'inutile, elle est faite pour être consommée ; gageons que cet argent repartira dans l'économie allemande, comme un beau jeton de présence, témoin de sons statut à la table des leaders économiques.


Rien de tout cela ne tient vraiment, en revanche pour ce bol d'air symbolique et politique qu'a été le référendum, le peuple Grec est peut être prêt à faire le deuil des jours d'indisciplines maintenant qu'il a été écouté, comme ce brave commerçant plus haut. Il suffit alors d'offrir une enveloppe financière (cela tombe bien un rapport du FMI la fixait à 52 milliards) faire donc un peu de justice sociale sous forme de politique de la demande créant un peu de croissance artificielle, pour que Tsipras retourne chez lui, tel Ulysse avec le sens du devoir accompli.

Cette enveloppe ne devrait d'ailleurs pas être défavorable aux allemands sur le moyen terme, car si elle est aussi belle qu'inutile, elle est faite pour être consommée ; gageons que cet argent repartira dans l'économie allemande, comme un beau jeton de présence, témoin de son statut à la table des leaders économiques. L'Allemagne n'arrêtant pas de trouver des marges commerciales auprès de ses partenaires depuis la mise en circulation de la monnaie unique en 2001.

Il y aura, bien sûr, des  perdants :
En tête de liste, Angela Merkel, piégée par le maître américain, risque d'apparaître comme se déjugeant auprès de son peuple ; les démocrates sociaux allemands ont déjà renforcé la pression sur elle. Que voulez-vous ? L'appétit de pouvoir peut autoriser, même à un parti du centre-gauche, de jeter aux orties ses valeurs et idéaux européens...
Les théoriciens doctrinaires du bonheur mondial, tels que Pascal Lamy et nombre de hauts fonctionnaires bruxellois, qui se sentent toujours humiliés de l'effraction de la politique et des cultures nationales dans la marche du monde, piétinant les intérêts du plus grand nombre - c'est à dire de l'Universel. Si seulement tout le monde avait conscience de leur haute intelligence. Ils auront un temps leur période de rage froide avant de reprendre leur travail...
Les militants de droite ou gauche radicales, qui auraient aimé pouvoir voir la table renversée, ou tout du moins pouvoir observer ce que cela fait une sortie de l'Euro en milieu contrôlé.
Resteront un peu à part les souverainistes, qui attendront vingt années encore pour raconter à leurs petits enfants,  à la pêche ou la chasse (pour les plus chanceux), le fameux jour où l'Euro a failli disparaître par la seule volonté du grand peuple Grec.

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