Comment les nuages se dissiperont

Dans 10 ou 15 ans, pour des raisons de confiance, le cloud computing sera dépassé par des réseaux applicatifs libres.
[Within 10 or 15 years, social networks will be free apps running and sharing ressources between internet users, and "cloud" free.]


Dans une interview récente de Charlie Rose, Eric Schmidt prédit, par extension de la loi de Moore, qui restera d'après lui un modèle valide pour les 15 prochaines années, une multiplication de la puissance des ordinateurs, capacité, traitement de l'information, mémoire, par 1000 par rapport à nos ordinateurs et objets connectés actuels.
Ce qui signifie en un point local, à l'extrémité du réseau, la capacité de contenir l'ensemble des documents et vidéos générés par l'humanité. Contenu fascinant, au creux d'une main, qu'il ne sera possible de visualiser dans son intégralité au court d'une vie.
Nous sommes déjà soumis à un flux d'informations sans aucune commune mesure par rapport à celui de nos ancêtres et le mythe d'un spectateur passif s'éloigne d'autant, car dans la réalité physique ce modèle n'est pas tenable. Yochai Benkler imagine plutôt pour l'homme connecté une capacité d'action, de digestion des données et d'apport, ainsi qu'un filtrage d'accréditation et de détermination des points saillants du débat public. Finalement la possibilité laissée à chacun de fixer l'ordre du jour politique, économique, intellectuel, non de manière isolée mais en relation avec les autres. Le spectre de la dispersion absolue des acteurs n'étant qu'un mythe non-réalisé servant celles et ceux qui croient encore que l'input d'une once de contrôle soit nécessaire à l'autorité pour rendre possible la vie en commun.
Si l'on combine ces dernières remarques au fait que jusqu'ici, sur le Réseau, le dynamisme du grand nombre (commons) ait toujours dépassé en qualité et succès les propositions et réalisations des professionnels et consultants de l'industrie, nous pouvons penser, à moins qu'un brusque retournement de cette tendance lourde du Réseau nous donne tort pour l'avenir, que l'informatique dans les nuages (cloud computing), à peine installée, ne puisse survivre à la mise en oeuvre de la fantastique puissance déposée entre les mains des utilisateurs sur l'Internet.
Il est tout à fait possible que se constituent des cercles d'utilisateurs, qui mettront en commun une partie de leurs ressources informatiques ainsi que les outils pour s'y connecter et participer de manière élégante. Au final nous  possèderions en commun une offre en données logiciels et services si étoffée et surprenante que l'offre commerciale se trouvera forcée, une fois encore, à l'adaptation.
Arrivés à ce point, nous ne parlerons plus de peur ou de contrôle par les nuages, mais survie de ces modèles. Il apparaît même aujourd'hui que le terme "modèle" soit à l'origine de nombreux types de défaite.
Il n'est pas impossible que l'image de l'universalité du Web ne sombre en même temps, ou alors qu'il redevienne ce pourquoi il a toujours été conçu, une architecture distribuée dédié aux documents qui  ne se limitera plus au navigateur et offrira nombres de points d'extraction pour utilisation des données (API).
Nous commençons à peine d'entrevoir cela : twitter en produisant une API pour extraire ses informations a permis une floraison d'outils qui donnent un autre regard ou une nouvelle valeur à son contenu et le plus célèbre d'entre eux a été conçu par une personne seule.
Car ce qu'il va manquer au cloud computing d'aujourd'hui est bien la confiance ressentie par l'utilisateur lorsqu'il s'investit dans ces communautés en ligne. Confiance qui ne pourra aller de pair qu'avec une transparence sur l'utilisation des données, c'est à dire toujours là où une communauté libre d'instincts d'exploitation, et destinée à la collaboration, aura plus de valeur.
Il sera difficile pour les marques de résister aux flux, il leur faudra même les encourager pour survivre, en acceptant aussi certaines adaptations ou modifications critiques du contenu par licence, car l'eau vive l'emportera sur la stagnante.
Nous verrons alors l'accuentation de ce que nous percevons quotidiennement : la mise à l'écart  des jugements et comportements définitifs, la pratique complexe d'opinions et jugements croisés destinés à l'évaluation personnelle, et les valeurs fondamentales mêmes n'auront plus l'apparente tangibilité que le politique actuel voudrait qu'elles incarnent. Finalement, toujours l'esprit contre la lettre.

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