L'arrivée en ligne des bons gros toutous

Superbe exemple qu'ils vont faire irruption en ligne et en meute, Nicolas Vanbremeersch rédige un tweet (message de 140 caractères qui s'élabore sur Twitter) pour signaler la course du buzz de la vidéo du cartel Libertas (Villieristes aux élections Européennes) dans les grandes marques de la presse française. Après avoir pris en défaut Libération, l'Express est le deuxième sur la liste.
Lorsqu'un rédacteur en chef de l'Express semble prendre la mouche et insulte vertement Nicolas Vanbremeersch (alias Versac) en ligne, lui conseillant d'apprendre à lire, ce qui dans la culture spécifique centrée autour de la langue française est faire montre de l'assurance du plus grand mépris. Suit une réponse point à point du blogueur sur Meilcour.fr.
Réaction disproportionnée du rédacteur en chef ? oui, et je crois que c'était voulu, car lorsqu'on manie le verbe pour blesser, on fait toujours la preuve d'une certaine malice sans pour autant obtenir brevet d'intelligence.
Si à la tête d'une organisation vous voulez dressez un obstacle aux critiques venant d'observateurs ou experts du Web, il n'est pas idiot parfois de combattre le feu avec le feu, sachant qu'une fois qu'en face l'invective répondra à l'invective volontairement initiée, la partie nulle sera en vue car l'affaire apparaîtra comme insipide et superficielle, donc enterrée aux yeux des observateurs passagers.
Je viens de traverser les articles du blog de ce rédacteur en chef de l'Express, Eric Mettout que je ne connaissais pas. D'après le ton polémique de ses billets, le fait que cela doit décoiffer en permanence, on dirait un peu le "Frédéric Lefèbvre" de l'Express - je n'ai rien contre Frédéric Lefèbvre, je prends seulement en compte son poste et ses obligations actuelles qui lui prêtent le mauvais rôle. 
C'est assez intéressant : je crois qu'on est en train d'ouvrir la voie à un nouveau type de poste dans chaque entreprise, le porte-flingue tout azimut pour la défense des intérêts de la marque sur la toile.
Ce qui est assez intelligent : s'il faut des paroles qui prêchent la bonne foi pourquoi ne pas en avoir une autre, spécialiste, elle, dans la manipulation de la mauvaise. Une parole qui sait portraiturer, faire peur avec sa plume trempée dans l'acide, ou bien enfoncer un débat dans la boue pour qu'il n'en ressorte plus.
Cela doit expliquer les titres volontairement provocateurs et à la limite de l'insulte de ses billets.
Bref, il faut savoir aboyer et aimer la caresse pour gagner ce nouveau job.
Ce blog semble se vouloir le lien de la rédaction de l'Express avec l'extérieur ou tout du moins le Web. 
Promontoire idéal pour la défense pied à pied ou l'attaque.
On oubliera au passage que l'entreprise, sciemment, donne la parole à l'un de ses cadres pour mépriser ouvertement le client et tirer à vue. Mais tous les secteurs industriels aujourd'hui en crise et en difficulté, n'ont-ils pas tous tenu en dédain leur clientèle pour en arriver là ? sinon, ils se porteraient mieux. Là où l'on peut s'interroger, c'est évidemment sur le choix qui est fait entre la nécessaire pérennité de la marque en ligne et la défense agressive à court terme vis-à-vis du client. Privilégier la seconde par rapport à la première est forcément le choix risqué même s'il apparaît flatteur aux yeux de ses collègues et amis.
Nous avons connu cela aussi en matière de communication dans la vie réelle, les bon gros toutous qui savent mieux que personne surveiller le poulailler en échange d'un bonne pitance et d'une position particulière au sein de l'organisation, notamment les regards attentifs et attendris du maître.
Remontons plus loin encore avec La Fontaine lui-même qui savait que l'idée n'était pas renversante, mais pouvait faire le sujet d'une bonne fable.
Remplacez le loup par blogueur indépendant, et le chien par ceux qui occupent ce nouveau genre poste. Ensuite, laissez la musique construire son édifice.
Le loup et le chien
Un Loup n'avait que les os et la peau,
Tant les chiens faisaient bonne garde.
Ce Loup rencontre un Dogue aussi puissant que beau,
Gras, poli, qui s'était fourvoyé par mégarde.
L'attaquer, le mettre en quartiers,
Sire Loup l'eût fait volontiers ;
Mais il fallait livrer bataille,
Et le Mâtin était de taille
A se défendre hardiment.
Le Loup donc l'aborde humblement,
Entre en propos, et lui fait compliment
Sur son embonpoint, qu'il admire.
" Il ne tiendra qu'à vous beau sire,
D'être aussi gras que moi, lui repartit le Chien.
Quittez les bois, vous ferez bien :
Vos pareils y sont misérables,
Cancres, haires, et pauvres diables,
Dont la condition est de mourir de faim.
Car quoi ? rien d'assuré : point de franche lippée :
Tout à la pointe de l'épée.
Suivez-moi : vous aurez un bien meilleur destin. "
Le Loup reprit : "Que me faudra-t-il faire ?
- Presque rien, dit le Chien, donner la chasse aux gens
Portants bâtons, et mendiants ;
Flatter ceux du logis, à son Maître complaire :
Moyennant quoi votre salaire
Sera force reliefs de toutes les façons :
Os de poulets, os de pigeons,
Sans parler de mainte caresse. "
Le Loup déjà se forge une félicité
Qui le fait pleurer de tendresse.
Chemin faisant, il vit le col du Chien pelé.
" Qu'est-ce là ? lui dit-il. - Rien. - Quoi ? rien ? - Peu de chose.
- Mais encor ? - Le collier dont je suis attaché
De ce que vous voyez est peut-être la cause.
- Attaché ? dit le Loup : vous ne courez donc pas
Où vous voulez ? - Pas toujours ; mais qu'importe ?
- Il importe si bien, que de tous vos repas
Je ne veux en aucune sorte,
Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor. "
Cela dit, maître Loup s'enfuit, et court encor.

Commentaires

  1. C'est amusant, parce que j'avais en brouillon un billet sur la lefebvrisation des débats politiques, soit l'incapacité d'en mener de nnormaux, quand il y a des F. Lefebvres qui mènent des techniques de guerilla médiatique.

    Oui, Mettout est bien ce genre, comme l'ont été avant eux d'autres, comme Carignano, Aphatie, Birenbaum dans une moindre mesure. Ils adorent ça, vivent pour ça, existent par la polémique et l'invective personnelle.

    Toutes choses égales par ailleurs, ça me fait penser aux échanges péthétiques entre LE Point et L'express, où l'on voyait Barbier chercher noise en permanence à FOG. Ca faisait chier tous les lecteurs, mais leur donnait l'impression d'exister en se mesurant à un référent...

    RépondreSupprimer
  2. Vous êtes vraiment géniaux, les blogueurs influents - ou qui aimeraient bien l'être: prendre prétexte de ma mauvaise foi, de mon agressivité, de ma lefebvrisation pour balancer un post aussi agressif, de mauvaise foi (des insultes, dans mon post? Ben merde, relis le tien), partiel, partial et tronquant (ça existe, ça, "tronquant"?), c'est du grand art! En passant, cher petit roquet (puisque gros toutou, je peux me permettre, hein?), je te signale que ce que je défends (et explique, mais ça t'as pas vu), sur mon blog, c'est moi, ma rédac et le boulot que j'y fais. Incroyable, non?
    PS: en parlant de "blogueur indépendant", tu parles de qui? De ce blogueur qui travaille pour un ministre de notre présent gouvernement?
    PS: NV, je répète ce que j'ai dit sur ton blog, "discuter" avec toi est décidément un vrai bonheur.

    RépondreSupprimer
  3. Merci d'être passé sur mon modeste blog.

    Je tiens à préciser encore une fois, à vous Eric Mettout que d'après moi, qu'un tweet dans la lignée de ce que veillait NV, c'est à dire le parcours des vidéos Libertas, ne méritait pas de décrochage par l'insulte.

    AMHA, NV suivait le trajet de cette vidéo comme il a suivi précédemment le trajet de la vidéo du bus sur le Web, et de façon très précise et mieux renseignée que vous (dommage, vous ferez mieux que lui, sur d'autres sujets dont il n'est pas spécialiste, la prochaine fois).
    De plus cela ne s'est pas matérialisé par un article de blog mais un tweet de suivi : c'est en cela que je crois que votre article rageur qui a donné naissance à la polémique était disproportionné.
    Faites d'abord preuve de votre élégance de propos en premier et ne vous plaignez pas des réactions que vous créez sur la Toile.

    Un jour, répondre sobrement au tweet sans attaque personnelle aurait été plus efficace.
    C'est un peu cela l'apprentissage d'Internet.

    RépondreSupprimer
  4. Cette "affaire" est un "vrai bonheur" pour observer les phénomènes de pouvoir, d'"influence" dans une période où les lignes bougent à ce point dans notre société ! Les rapports entre l'institué et l'émergeant par exemple.

    Les enjeux qui sont débattus là sont importants. Que les médias, quels qu'ils soient, arrivent à tenir à la fois sur l'exigence des contenus et la réactivité de l'information, c'est fondamental. Particulièrement dans une période de crise, tendue, qui rend plus épidermique et émotionnelle la réception de l'information.

    Tous ça pose des questions profondes. Ce qu'il y a de bien avec le Web c'est qu'on peut avoir les débats en direct sur le vif et relire tranquillement le script après, pour continuer à y réfléchir.

    Cette fable du "loup et du chien" me rappelle le manifeste Fiers et Libres que l'on diffusait sur les facs en 2005, ça disait "être libre, c'est être et rester dérangeant".

    RépondreSupprimer
  5. Merci pour le passage inspiré de ce commentaire, j'aime bien quand la pensée n'est pas définitive et qu'elle s'ouvre de la sorte.

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire