L'âme du Web : le document

Le Web a été conçu pour le document, une alliance contenu, format et lien (ou adresse, c'est la même chose) c'est le socle sur lequel il repose. Nos esprits ne sont pas seulement reliés à ceux de nos contemporains par leur présence directe, mais aussi par les traces qu'ils délivrent. C'est la première des notions auxquelles doit s'attacher un individu, un groupe ou une organisation, lorsqu'ils souhaitent bâtir une présence sur le Web. Car nous assistons à un mouvement de dématérialisation des supports que l'on ne peut freiner, même si certaines professions gardent l'obligation légale des archives papiers.
Le document objet commence à être vécu comme un encombrement. Premièrement dans sa représentation physique, livre, CD, DVD, Documentation d'entreprise cerclée de plastique, ce qui implique autant d'armoire poussiéreuse, de sacs volumineux, de charges à porter, finalement de dos brisés, et je ne vais pas citer la signature carbone que cela implique pour la planète. Deuxièmement, l'application stricte de la fermeture du document avec le copyright, suppose une barrière à l'amélioration ou à la diffusion du document, et le rend encombrant ou inconfortable à sa propagation.
La réponse extrême à l'encombrement physique, c'est une logique documentaire sur le Web, qui ne s'embarrasse pas de cohérence autre que le catalogue ou la mise à disposition de données brutes indexées ou repérées comme on le voudra pour qu'une recherche soit possible. Ce qui est surprenant c'est qu'il n'est pas besoin de s'y poser la question initiale de l'apport au monde de ces documents, informations ou interventions, la diversité du public y trouvera son intérêt. L'application ultime de cette logique est Twitter, c'est à dire que même la fouille dans le magma absolu des confidences et murmures de clavier produits dans le monde a une pertinence, sans pour autant avoir l'impression d'une organisation préalable. On me répliquera que les tweets qui sont des messages de 140 caractères au plus, n'ont pas l'allure de documents, mais je crois qu'ils le sont : vous avez, comme partout ailleurs sur la toile, des données qui tiennent lieu de contenu, un repérage par lien, et un format électronique qui doit précéder l'affichage de celui-ci.
Avec l'encombrement virtuel causé par la fermeture au niveau de la licence ou des droits, certains parlent de la réponse sociale, où plutôt la forme Wiki ou n'importe quel autre système permettant par collaboration ouverte de rendre compte des évolutions ou régressions de la connaissance, car je ne suis pas sûr que le terme social soit un bon emprunt pour la situation. On peut parler de communautés, mais existe-t-il réellement une communauté globale ?
Un exemple : le membre actif de Wikipédia souvent ne partage rien avec les autres membres, ils sont tous reliés par les mêmes règles de façon indirecte, qui sont en grande part centrées sur la manière d'atteindre l'objectif qui est celui d'un article d'encyclopédie. La grande efficacité de Wikipedia est son point d'entrée léger (quelques secondes de votre temps) et sans contrainte (anonymat)  et qu'une fois l'objectif d'une page stable atteinte, le groupe de participants peut se dissoudre pour se reconstruire différemment ailleurs.
C'est une expérience nouvelle comme tant d'autres naissent sur le Web. Il faut donc regarder avec une certaine défiance des termes tels que le Web social ou communautaire,  car derrière la vue et la définition des termes "social" ou "communauté", il existe beaucoup d'apriori ou de sous-entendus qui ne revêtent aucune importance ou fonction dans les expériences sur l'Internet ou sur le Web. Comme souvent, le plus grand facteur d'échec ou d'erreur de commnication sur le Réseau est de chercher à y importer ses propres pratiques et enseignements tirés du réel.

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