La fabrique du mépris, ou faire pratiquement de tout une commodité

[Avec la permission de Robin Cangie, une américaine qui tient un blog à robinoula.com, j'ai traduit le billet suivant.
Je vous laisse découvrir.
Bonne lecture.]

Il y a quelques jours, j'ai écrit sur la façon inquiétante dont le mépris suinte dans les aspect les plus banals de nos vies (vous pouvez lire le billet ici). C'est si important, et toxique pour nous. Plus je pense à l'émergence du mépris dans notre culture, plus je me rends compte que ce n'est pas par accident. Nous vivons aujourd’hui dans une société qui fabrique du mépris, à la fois d’une façon délibérée et comme sous-produit de notre style de vie.

Nos objets sont construits pour ne pas durer. Regardez juste les vêtements que vous portez en ce moment. Quelle quantité de ce genre de produit avez-vous acquis au cours de l'année passée? Des 2 dernières années? Que diriez-vous des 10 dernières? Quel âge a votre ordinateur? Votre téléviseur? Vos meubles? Votre grille-pain, pour l'amour de Dieu? Nous achetons quelque chose dans l’attente qu’il se casse rapidement ou qu’il devienne dépassé. Nous désirons même sa rupture, afin que nous puissions en acheter un nouveau dès que possible. La ruée vers l’achat du neuf est une drogue, et le fait que notre matériel s'use aussi rapidement est un composé de cette dépendance.

Tout ce qui nous entoure est littéralement conçu pour être un jour traité avec mépris. Le design (à quelques rares exceptions près) ne se concentre pas sur la beauté ou le but, mais sur la conception d’objets qui peuvent être produits à un prix avantageux, se détruisent rapidement, et sont, malheureusement, dignes du mépris avec lequel nous les traitons.

Les informations nous incitent à la peur et la méfiance les uns envers les autres. J'ai regardé CNN quelques minutes dans ma salle de gymnastique et essayé de compter le nombre de fois où je voyais apparaître les mots «mort», «tuer», et «terroristes» dans le flux des nouvelles en bas de l’écran. J'ai abandonné au bout de 20 secondes. A la place, J'ai essayé de compter le nombre de titres non-négatif. En l’espace de 2 minutes, j'ai vu un titre qui n'était pas complètement négatif. Un seul. C’était sur les réserves de pétrole en Irak.

Nos informations, comme nos objets physiques, sont conçus pour ne pas nourrir, mais pour être bon marché, être consommées et nous mettre en état de dépendance. Elles flattent notre ignorance, valident notre crainte, éteignent notre curiosité et titillent nos plus basses émotions. Ce faisant, elles nous suspendent à une (dés) information toxique, nous convainquent que le monde nous en veut. En tuant notre désir de recherche et en banalisant l'information en de bons octets facilement consommables, nos informations fabriquent littéralement et délibérément du mépris.

Nos communautés sont centrées sur elles-mêmes et produisent de l'isolement. Aux États-Unis, nous avons eu tort d’assimiler la liberté à la possession d’objets privés, et nos collectivités reflètent ce processus d’une manière très toxique. Nous avons un trop grand nombre de grandes maisons et de voitures, trop peu de parcs et de quartiers piétons. Nous dépensons notre argent sur des choses, non sur des expériences. Nous permettons, nous invitons même, des grandes surfaces et des chaînes de restaurants à envahir nos quartiers, en détruisant les entreprises locales.

Bref, nous avons non seulement fait de notre consommation et de nos informations des commodités, mais appliqué le même processus à nos communautés! Une banlieue dans le Kansas a la même apparence qu’une autre dans le New Jersey. Les petites villes de l'Oregon ont des magasins et restaurants exactement identiques à ceux des petites villes de Floride. Ces sortes de communautés nourrissent le déclin économique, et portent atteinte à la diversité locale, étouffent la créativité et nous aliènent les uns avec les autres. Cette aliénation de la vie moderne ne crée pas en soi le mépris, mais il le facilite certainement en brisant notre sens de la communauté et d’un bien supérieur.

J'espère évident que la standardisation est le fil conducteur de ce billet. Nous avons pratiquement tout standardisé dans cette société, créant ainsi une culture dans laquelle le mépris est facile à fabriquer, amplifié et manipulé. Ce mépris nous maintient dans le matérialisme, la crainte et l’aliénation. Le mépris nous remplit tellement que nous n’avons plus de place pour autre chose. Surtout, il nous empêche de voir que nous pouvons faire mieux.

Nous pouvons faire mieux. Nous pouvons travailler à un avenir où nous créerons des choses qui nous seront utiles et auront du sens, où nous embrasserons le monde, où nous bâtirons des endroits sains et vibrants pour vivre et travailler.

Avec la société de consommation, les commodités et le mépris nous n’y arriverons pas. Avec la compassion, la créativité et la solidarité, oui.

Commentaires

  1. Tout simplement lucide. Très bien écrit. Je me souviens encore de ce prof de design nous expliquant les bases du métier : "Tout a déjà été inventé. Votre but est de moderniser, en ajoutant des fonctions qui créeront de nouveaux besoins. Sans nouveau besoin, pas de nouveauté. Sans nouveauté, pas de consommation."

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  2. ça me rappelle un texte américain du temps de ma terminale cornucopia city

    il manque effectivement le 2ème versant pour ceux qui reste dans l'éternelle caresse de l'objet ancien qui ne s'inscrit dans aucune logique et par conséquent l'indémodable qui recèle tous les secrets de notre personnalité recollectée

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