La reconnaissance d'une véritable communication
Un article intéressant sur le knowledge management, deux professeurs, l'un de Wharton, l'autre de l'INSEAD, constatent que l'emploi d'une mémoire d'entreprise peut se révéler handicapant pour la performance des projets internes, premièrement parce que l'innovation pour aujourd'hui n'y est pas fixée, deuxièmement parce que dans le formatage imposé des documents les traces ou les données d'expérience ne sont pas présentes.
[Is knowledge management hurting project performances and innovation ? Do rationality promises mind autonomy ? Do we really think alone ? No, but in the meantime growing communication innovations through networks put more and more external pressure on the monolithic cultural identities of today firms]
Les données de cet article sont reprises dans le Harvard Business Blog ; ces faiblesses sont mises à l'épreuve du coût de possession de ces Knowledge Management Systems pour les grandes entreprises. Car après tout pourquoi se payer une achitecture aussi coûteuse pour avoir comme résultat de freiner la performance des équipes qu'elle est sensée renseigner ?
Le sujet est assez explosif et il va être difficile d'en tirer les conclusions, pris au piège que nous sommes des contextes culturels et des investissements passés.
Il suffit de lire la littérature des sites corporate ou parfois la rédaction des annonces d'emploi, pour se demander si le langage s'éclaircit réellement dans la manière ; comment la nature et la description des postes ou des actions sont formalisées dans une communication qui se veut exemplaire mais où la précision joue parfois le rôle d'un éteignoir, voire d'un repoussoir à dynamisme.
Le souci de contrôle par le texte appauvrit la richesse d'engagement et la possibilité de transmission que pourrait rencontrer une expression directe et bonhomme sans a priori (les leaders savent faire cela) ; le jugement induit à la lecture de ce genre de rédaction est celui d'un esprit qui se voudrait autonome par rapport à ses congénères, donc déconnecté.
Ce qui se passe c'est que avons une difficulté à croire ou observer que nous ne pensons pas seuls et pourtant l'expérience d'Internet nous indique le contraire : vérification quotidienne du blogueur qui est obligé de noter que ses commentateurs ne sont pas d'accord avec lui ou rebondissent dans des zones qu'il n'avait jusqu'alors imaginées, long et difficile apprentissage de l'écriture Web qui doit engager une action de la part de l'utilisateur. Dans la réalité, pour penser, l'être humain n'est pas indépendant des interactions avec son environnement et du contexte des traditions et expériences qu'il véhicule et qui lui permettent de filtrer.
Le modèle de G.Bateson est toujours bien vivant, différentiation et interactions, et non pas analyse pure, froide, autonome et distante, l'arrivée des réseaux informatiques dans notre vie quotidienne, nous soumet à pression, vaille que vaille, et continuera de nous obliger à nous dégager des mythes véhiculés sur la pensée et sur une rationalité admise comme seul moyen de négociation ou de transaction. Car ce qui est mis en lumière, c'est l'indécidabilité née du jeu avec les autres, le respect de règles apparemment absurdes (SEO) car elles nous oblige à faire confiance dans des systèmes où nous n'avons aucun contrôle à priori (Twitter, Google Page Rank, etc.)
Le risque est que nous arrivions ensemble à une étape des sociétés humaines où le langage des organisations sera insupportable parce que son inefficacité à produire, accueillir, déclencher l'innovation ou l'assentiment sera patente, où la mémoire sera jugée dangereuse, inopérante, et progressivement mise sur la touche.
Nous en sommes déjà peut-être arrivé à cette extrémité : nous voyons des produits industriels qui ne nous font plus envie, et ceci de quelque manière que les équipes dirigeantes ou les agences de communication puissent s'y prendre. Tous ces jeux de communication pauvres car uniformes, les générations qui vont se succéder les auront déjà décodé et seront immunes dès l'enfance. C'est pour cela que les entreprises de demain n'auront plus à proposer de catalogue, mais à s'engager dans les systèmes de relation au sein des sociétés, voire à y poser leur empreinte novatrice. Elles y découvriront sûrement des puits de richesse inconnus jusqu'alors mais rares seront les mensonges tolérés étant donné le degré d'exposition et la proximité vis à vis utilisateurs.
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