La réalité hystérisée : mensonges officiels et hypocrisie

Demain, la réalité augmentée, aujourd'hui, contentons-nous de la réalité hystérisée. Le mélange détonant d'une  caisse de résonance orchestrée appelée l'Internet, avec dans le rôle de l'incendiaire les marques de presse dans le lachage préalablement conditionné de "off" (une terminologie perdue pour une profession médiatique en mal de spectateurs attentifs) ou de vidéos amateurs.

La réalité hystérisée, c'est à quoi nous assistons aussi pour le débat sur l'Obamacare, une hystérie libertarienne et républicaine, aussitôt rejointe par une hystérie de la Maison Blanche, inaugurant la délation par mail et le spam gouvernemental, vite étouffés certes car les systèmes de pouvoir démocratiques ont encore à l'heure actuelle des mécanismes de protection contre la sur-réaction.

Cette hystérie est généralement alimentée par le mensonge.
Un exemple, la dernière adresse au Congrès américain d'Obama, bien que splendide et émouvante dans sa préparation et réalisation, a officialisé deux mensonges, le financement intégral de l'Obamacare par la réduction des dépenses de santé, et la promesse qu'aucun immigrant illégal ne sera pris en charge par le futur système de santé.
Nous savons hélas trop bien que dans tous les pays occidentaux rien n'a pu être fait pour enrayer les coûts croissants de la demande de santé et que les Etats-unis finalement seront obligé de payer le prix de ne pas s'être engagé plus tôt dans un système de couverture globale. Le deuxième mensonge ne tient pas non plus, il va être difficile de ne pas laisser une porte ouverte à l'option publique aux immigrants illégaux car il apparaît évident que par simple justice sociale, les "liberals" ne pourront laisser des êtres humains participant à la productivité du pays, en détresse médicale, sans le choix d'un plan d'assurance, même s'ils ne sont pas américains.
Inutile de dire que ce discours n'a donc eu aucun effet de démobilisation sur l'opinion républicaine, comme en témoigne la récente manifestation de samedi à Washington.

D'autres types de mensonges, comme celui de Brice Hortefeux sur l'explication de son "off" de Seignosse, alimentent aussi l'hystérie, celle de l'anti-racisme en France, qui se révèle bien vite comme dans le cas des républicains américains, une exagération reposant sur une hypocrisie globale, où il s'agit toujours de la posture de l'ange contre la bête. Et je ne crois pas que l'aveu ou l'excuse puissent être une façon simple de se dédouaner, comme le croit Versac, puisqu'à l'instar de Fox News dans la guerre contre Obama, la stratégie est d'arriver à l'élimination de la cible, soit par sa démission, soit par la démonstration de son impuissance.
Ce mouvement pendulaire entre mensonge et hypocrisie est bien une caractéristique de notre modernité. Il s'agit simplement de guerre de l'information, et par les réseaux, qui procèdent de tentative de dissémination d'un "mème" par instrumentalisation d'un dévoilement.

Pour les années à venir la réalité hystérisée interviendra au croisement de l'utilisation des technologies en cours et d'un besoin de transparence maladif - détecté par les spécialistes du Web 2.0 - proche de la curiosité morbide de l'automobiliste qui freine insensiblement pour observer le paysage d'un accident. C'est pour cela que les informations mises en scène comme si elles étaient sorties d'une semi-confidence, d'un brouillage entre l'espace privé et public, comme si elles représentaient un dévoilement de la réalité sur les motifs inavoués d'un personnage public, sont précieuses. Il s'agit ni plus ni moins que d'un conditionnement préalable, d'un emballage astucieux de celles-ci.

En attendant le développement des réseaux d'informations et d'analyse en temps réel, nous demeurons essentiellement dans le cadre des médias classiques et pour notre information comme désinformation. Développement des caméras et micros qui trainent en permanence, ou les mobiles inopinément laissés ouverts dans les poches, sur les bureaux ou les sièges. Dans un avenir proche, pensons que ce seront nos propres objets connectés que nous porterons de manière inconsciente qui seront les plus fidèles délateurs.

A l'évidence nous n'avons pas fini de connaître de tels exploits. S'ils s'installent avec autant de force dans le paysage politique quotidien, c'est qu'il existe au delà du débat politique argumenté, des désirs de victoire dans un meurtre symbolique, porté par des collectifs, des réseaux "sociaux" en souffrance de reconnaissance ou de pouvoir, qui ne s'embarrassent pas sur les moyens, car il s'agit, rappelons le, de guerre, et peu de gens, même les plus avertis, peuvent prétendre ne pas y être mêlés une fois qu'elle est en mouvement.

Pourtant la netiquette et l'esprit originel d'Internet sans interdire formellement les exagérations, soulignaient déjà le fait que le bruit provoqué par ces flambées d'invective fonctionne à l'inverse des processus de connaissances et de progrès.
L'apprentissage global des nouvelles pratiques se fera comme nous avons appris aux cours de décennies en tant que lecteur à nous distancier de l'écrit journalistique, enchaîné à une volonté éditoriale, par l'exercice de notre esprit critique.
Une réaction globale à l'hystérisation se fera donc sur la longue durée, inutile de nous extasier sur la génération Y ou les "digital natives", elle n'en sera pas immune, au contraire, elle sera grande joueuse à ce casino de l'affect. Mais gageons que les enfants de leurs enfants pratiqueront le discernement nécessaire. Ce seront avec eux que s'élaborera, peut-être, ce qui ressemble à une démocratie participative.

Pour le moment, nous rentrons dans la longue traîne d'immaturité des réseaux sociaux.

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