Une nouvelle façon de se tirer dans le pied

Les éditeurs européens continuent de penser au meilleur rendement possible de leur catalogue, d'en obtenir la meilleure offre, même s'ils sont incapables ou ne souhaitent mettre en ligne les oeuvres orphelines. D'un autre côté, les auteurs ou ayant-droits des auteurs, devront attendre et tirer un trait sur les premiers revenus du projet Google au nom des intérêts d'une profession qui a dirigé leurs carrières et fabriqué le goût du public depuis deux siècles.

Google ne tient pour l'instant qu'à jouer la carte de l'apaisement, propose même un siège de surveillance aux éditeurs européens dans la constitution de leur autorité indépendante qui règnera sur cet océan d'oeuvres digitalisées.

Aux Etats-unis, l'accord a certaines chances d'être amendé puis conclu, Google a réussi de mettre de son côté l'American Association of Publishers et l'Authors Guild. Il y a des résistances qui semblent avoir été vaincues de l'autre côté de l'Atlantique en offrant aux éditeurs et auteurs, sur  les revenus, la part du lion sur la consultation d'oeuvres et un droit de regard.
Bien sûr, en Europe un accord se fera ou ne se fera pas, de toute manière suivant des termes différents et suivant un autre cheminement.

Nous sommes au milieu du gué, dans ce moment de transition où les institutions classiques, espèrent résister aux flots des potentialités technologiques, comme les digues de la Nouvelle Orléans face à l'ouragan Katrina. Derrière cette méfiance, se cache une bataille d'orgueil. Cet orgueil repose sur le refus de lâcher prise sur certaines compétences et décisions. Il s'agit donc d'une querelle de pouvoir.

Prenons l'exemple de la France, comme toute nation occidentale qui se respecte, elle abrite un trésor de savoir derrière les murs de ses bibliothèques nationales et universitaires. Voila à présent, une quinzaine d'années que nous avons la possibilité technique et l'opportunité d'offrir au public  une consultation sur le Web.
Pourquoi ne nous sommes pas mis sur les rangs avec la même efficacité que Google ? simplement parce que cela impliquerait de remettre entre les mains d'équipes de technologistes une part des décisions que les femmes et hommes de savoir croient pour l'instant être les seuls en droit de posséder, et pour longtemps, car ils ont la sensation d'être les héritiers et les gardiens du mausolée culturel. Un garde-fou dans une époque qui va décidément trop vite.
Cela demande aussi un saut de compréhension, que puissent un jour se croiser, sur un même outil et avec bonheur, les publics de professionnels, d'experts ou d'amateurs. Or ces personnes ont bâti leur existence sur des certitudes telles que "l'information est le pouvoir".

Ce que ce monde institutionnel ne semblent pas réaliser, pour le moment, c'est qu'avec le nombre d'ouvrages européens qui doivent reposer entre les murs des bibliothèques américaines, le public de chercheurs et d'étudiants de l'autre côté de l'Atlantique, inéluctablement, possédera un avantage conséquent en terme de souplesse et de rapidité d'accès à l'information par rapport à leur pairs européens. Combien de temps les universités et la recherche Européennes pourront jouer la fable du boulier face à l'ordinateur mobile ? Je ne le sais.

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