Les "experts" du Web : une vision enfantine ou doctrinaire

Vrai, j'ai attaqué le site de Ségolène Royal surtout pour le dédain de l'utilisateur. Par ce que je pense qu'il existe une hiérarchie, qui fait que celui qui présente un site à un utilisateur doit prendre en compte cet utilisateur dans sa diversité et le mettre rapidement sous son aile, qu'il y ait le moins de barrière entre lui ou elle et son contenu.
Lorsque cette diversité est radicale, qu'il s'agit d'une large portion de la population, et que les gens ne peuvent pas se causer entre eux avant que le site existe, le lien commun commence par l'établissement d'une certaine neutralité d'apparence et de fonctionnement ; je regrette que Ségolène Royal ait décidé seule, se privant dès le départ de ce respect entre le site et son visiteur. Un choix neutre qui lui aurait laissé la possibilité d'évolutions consenties par la suite.


Cependant, ce que l'on sent dans cette vidéo relatant un discours dans la Creuse, c'est le dépit de Ségolène Royal vis à vis du "lobby d'Internet".
Je n'aime pas cette expression de lobby lâchée à la volée, car c'est un effet populiste qui est recherché, mais allons plus loin que le contexte qui nécessitait peut-être de la part de SR de provoquer une forme de réveil ou d'enthousiasme dans son public. S'il y a de la stratégie de sa part, elle coexiste avec l'amertume ou la rage de ne s'être pas faite comprendre du premier coup.
Il y a aussi une forme d'amertume de la part de Jean-François Copé lorsqu'il dénonce un totalitarisme de la transparence qui serait au croisement des équipements technologiques portatifs et des services de mises en ligne sur l'Internet.

Authueil dénonce ce malaise des politiques et nous fait le coup des jeunes qui remplaceront les vieux et qui seront meilleur adeptes des technologies en ligne. Il n'en sait rien, ce n'est qu'une vision intellectuelle, peut-être se révèleront-il bien pires. Pourquoi ? rien qu'à voir l'utilisation que les partis démocrates et républicains américains font du Web ces derniers temps dans la guerre de l'information qui les oppose sur le terrain de la réforme de la santé, et parfois bien au-delà, on est en droit d'imaginer le pire pour l'avenir. Rien qu'à compter les assassinats virtuels : un conseiller fraîchement nommé d'Obama, Vance Jones, déposé sans un remerciement, et une association caritative comme Acorn, qui paye le prix de quelques canards boîteux en son sein, cela commence à faire beaucoup. Et ces blessures provoquée par ces hostilités, ainsi que la question raciale réouverte par Jimmy Carter dans le rôle du porte-flingue, mettront plus d'un mandat à se refermer.

Les politiciens sont peut être des idiots ou des imbéciles, ils leur reste assez d'instinct pour se rendre compte qu'il y a des évolutions en cours qui ne sont pas relatées par les experts du Web et qu'on ne leur raconte pas la vérité ou ce dont ils auraient besoin pour comprendre ce qui se passe. Une partie de cache-cache qui commence à se révéler agaçante.

Principalement, chez ces experts, il y a une crise des principes, ce qui fait qu'il seront de moins en moins audibles et qu'ils seront de moins en moins capables de comprendre ce qu'il se passe avec les utilisateurs.

Authenticité et Liberté. Ce qui est à l'origine du Web actuel et de son explosion est né de nouveaux modes d'organisations qui avaient pour fondement le respect de la liberté sous toutes ses formes. Cette boussole est en train de s'effacer lentement des esprits au fur et à mesure que l'argent facile corrompt les experts transformés en tenanciers de la doctrine.
L'idée du don d'information à la communauté ou de l'échange ne viennent qu'en appui d'une certaine conception de la société, élitiste, qui, au final, reconstitue des barrières virtuelles de connaissances. Il est bien sûr prévisible que ces barrières ne tiendront pas, et qu'il faudra que les experts remettent en jeu leurs certitudes s'ils veulent continuer à servir à quelque chose.

Humilité et reconnaissance. Même celles et ceux qui sont depuis un certain temps dans le mouvement, ont oublié une révérence capitale, celle faite à l'ouverture. Cette ouverture n'est pas seulement celle du code, mais c'est aussi celle de l'écoute et de l'enseignement.
La tentative parisianiste de se distinguer de soit-disant "analphabètes du Web" est un concept radicalement 1.0, car il estime la population de manière statique et inutile au réseau en dessous d'un certain seuil de connaissance, il ne prends pas en compte les différents niveaux d'usage, et ne reconnaît pas qu'avec le temps, les usages iront en se spécialisant et perfectionnant suivant le chemin que chacun aura choisi. Sans compter qu'à ce jeu là, on est toujours l'analphabète de quelqu'un et que si l'on célèbre des concepts hype comme la serendipité, on ne peut mettre sous l'étouffoir des idées même venant de personnes que l'on juge "déplacées."

Beaucoup des défenseurs du Web le sont par enthousiasme, et je les comprends, mais ils ne sont pas dans un engagement profond et désintéressé ; ils rêvent de bloquer leur statut pour être des intermédiaires entre les sachants et les décisionnaires. Mais de vrai, quelle est leur valeur ajoutée sur le long terme pour ces derniers s'ils décident que tout doit s'arrêter à leur compréhension ?

C'est exactement ce que les politiques les plus fins commencent à sentir : la soupe du Web qu'on leur sert est aussi fraîche que le bouillon cube qui en fait la saveur, alors au lieu de diriger leur critiques finement, ce qu'ils n'ont pas eu pour l'instant le temps de faire, ils dénoncent cette fausse ouverture perclues d'immobilismes qui joue trop la séduction pour ne pas être catin.
Ségolène Royal se trompe peut-être, mais elle se positionne sur la solidarité et entend privilégier l'échange avec ceux qui veulent prendre leur vraie place en ligne.
Jean-François Copé se trompe peut-être, mais il sent que ce qu'on lui décrit comme une avancée capitale et démocratique, risque de se transformer aussi en machine de guerre politique à double sens, un superbe relais du terrain militant, avec tous les dégâts potentiels sur le crédit démocratique.
Classique, l'une est de gauche, l'autre de droite.

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